La Nuit perdue, unique film de Bernard-Marie Koltès, a été présenté le 16 mai 2009, dans le cadre de l’hommage rendu par le Centre Beaubourg – Bibliothèque Publique d’Information (BPI) « Bernard-Marie Koltès, notre contemporain » à l’occasion des 20 ans de la mort de l’auteur. Cette diffusion a été précédé d’une présentation par François Koltès, frère de l’écrivain, cinéaste et écrivain, avec Yan Ciret, essayiste et commissaire d’expositions, à réécouter ici.
Ça m’a même pas fait mal, Manuel Joseph, photographie :Jean-Luc Moulène (éditions Al Dante, 2000)
De Yan Ciret in Art Press n°274 (décembre 2001) Partons d’une évidence, il n’y a pas de « littérature d’enfants ». Étymologiquement, l’in-fans est celui qui vient...
Œuvres, Édouard Levé (P.O.L., 2002)
Yan Ciret, in Art Press, décembre 2002. Si l’ouverture à l’infini donne à une œuvre sa capacité à faire venir des visions concrètes, à leur maximum de possibles, il faut bien considérer...
Événements 99
Événements 99, Anne-James Chaton, éditions Al Dante, 2001In « art press » mai 2002 On ne peut parler d’Evénements 99 qu’en termes d’extériorité, de figures du dehors,...
Agnès Thurnauer : Now When Then / Journal et autres écrits
In Critique d’art 43 | Automne 2014La position cartographique, et généalogique, d’Agnès Thurnauer est l’une des plus singulières de la peinture actuelle. Lorsque l’espace et le...
Pierre Alferi, horizons mobiles
Entretien « art press », 262, novembre 2000 Politique de la fraternité, politique des affects, les pleurs d’Achille sur le corps mort de son amant Patrocle, larmes de César portant la tête...
Dernières nouvelles des mondes flottants
Kenneth White, entretien avec Yan Ciret Revue du Théâtre de la Bastille,1994, dir. Yan Ciret. Repris en volume “Le lieu et la parole” Kenneth White, éditions du Scorff (1997). Conversations...
Guy Debord, un stratège dans son siècle
Par Yan Ciret in « magazine littéraire » – juin 2001« L’aventurier est celui qui fait arriver les aventures, plus que celui à qui les aventures arrivent » (Potlatch n°7, 3 août...
Yan Ciret : L’Autre Étranger (Ici et Ailleurs) – Marc Augé
Anthropologue/Ethnologue – (président de l’EHESS entre 1985 et 1995)Entretien avril 1994, publié dans la Revue du Théâtre de la Bastille n°17, 1995. Photogramme © Rachel Godefroy / Film...
« La nuit perdue” (1973), film de Bernard-Marie Koltès
La Nuit perdue, unique film de Bernard-Marie Koltès, a été présenté le 16 mai 2009, dans le cadre de l’hommage rendu par le Centre Beaubourg – Bibliothèque Publique d’Information...
Territoires et cosmos de Georges Noël
Par Yan Ciret, auteur du catalogue de l’exposition : Georges Noël, La magie du signe Galerie Dukto / Île Saint-Louis – Paris, 4 novembre 2021– 29 janvier 2022 Texte cartel introductif...
La seconde mort du corps prolétaire
Entretien Stanislas Nordey avec Yan Ciret
« Entre beauté esthétique et virulence politique, Stanislas Nordey travaille au corps la représentation, montage du geste fabuleux à son envers, le chômage de masse comme civilisation. Le tout par la dérive des pôles. »
« Cahiers de théâtre n°11, décembre 1993/janvier 1994 »
Dès le départ, la définition du prolétaire s’est faite par le corps, Marx en ayant fixé le théorème, à savoir que le prolétaire est celui qui ne possède rien, sinon son corps et ce qui en est extrait : la force de travail et la progéniture. Cette équation minimale a, semble-t-il, pris une autre signification, tout aussi forte, mais plus désespérée encore.
Entretien/ Claude Régy (4.48 psychose) Sarah Kane ou le théâtre de Caïn
«De tout mon cœur, Je m’offris en holocauste»
Dante, Paradis Chant XIV
Zohar noir. Lors d’une rencontre avec Claude Régy et Henri Meschonnic, nous parlions de Trakl, et imaginions une interprétation chiffrée, codé, ésotérique et hermétique, à la manière de la Kabbale, de la poésie. Un nom, un titre arriva vite « Zohar noir », il ne me resta que ce passage du Journal d’Ernst Jünger : « Le monde est inhospitalier aux âmes sensibles. J’ai lu que Georg Trakl avait été bouleversé par la vue d’une tête de veau, lors d’un banquet campagnard, et qu’en le voyant sur la table il dit : « C’est Notre Seigneur Jésus-Christ » et l’embrassa. Ce qui rappelle Nietzsche sautant au cou d’un cheval, à Turin. »
Jan Fabre le samouraï téméraire du Louvre
Entretien avec Yan Ciret
Les grandes verrières du Louvre donnaient sur un monde arrêté, une lave invisible avait pétrifié les marbres blancs, comme des suaires, que nous surplombions. Jan Fabre regardait ces déesses aux yeux caves, ces faunes châtrés, ces satyres et vestales, comme une punition divine venue de son univers païen. Carquois, flèches, boucliers tavelés de têtes de Gorgones, plantaient un décors où sa parole se déroulait à la vitesse métronomique, de celui qu’il appelle : « Le guerrier de la beauté ». Cet imperméable, qui lui fait une carapace, et que je lui ai toujours connu, avec baskets et jeans denim juraient, avec ce Pompéi de plâtre délavé. Il venait se confronter avec ses « maîtres anciens », dans les salles nordiques du Louvre. Lapins écorchés pendus par les pieds écartelés, raies luisantes, sur le vermillon rosacé des huitres et leurs goémons, pelures d’orge, on y retrouvait tout son bestiaire. Ces natures mortes attelées aux scènes de genre ou d’histoire, batailles, traités, renvoyaient à ses performances. Son théâtre cruel trouvait-là, un écrin parfait. Ses mains mobiles malaxaient ses mots, comme si, il voulait encore contraindre la matière, les corps, la scène, et faire couler le sang de la Vierge. Il me rappela, notre dernière discussion, et cette phrase : « Il ne faut pas laisser la nation aux nationalistes ». On continua cette conversation en anglais.
Michel Vinaver – L’architecte et l’ingénieur
Que pourrait signifier l’existence d’un théâtre documentaire, dont l’enregistrement des événements humains serait la fonction première, particulière ? Peut-être un centre de gravité, une scène, échappant aux lois de la marchandise (c’est-à-dire à la pesanteur), où l’on pourrait conjoindre enfin nos vies et leurs récits, le mythique et le domestique – comme dans les pièces de Michel Vinaver. Mais plus sûrement un théâtre documentaire s’arrimerait fermement à la dépression actuelle, en figurerait l’oscillation dangereuse, la cote d’alerte, le rouge mis quand la guerre ou l’épidémie gagne et devient la vérité sous-jacente à tous rapports, « ici et ailleurs » comme dit Godard – comme dans les pièces de Michel Vinaver. La crise du théâtre n’est pas autre chose que la crise du monde qu’il représente.
Entretien avec Yan Ciret.
Le fils sauvage – entretien de Stanislas Nordey avec Yan Ciret
Yan Ciret : Guibert déjà très atteint par le sida devait jouer en Avignon son propre rôle. Dans son idée de transparence totale. Est-ce que ce n’est pas finalement, ce qu’on pourrait demander à tout acteur? D’arriver à se balancer avec son propre corps, sa propre maladie, ses propres affects et arriver à cette extrême visibilité de lui-même ?
Stanislas Nordey : Je suis assez pour cela, étant quelqu’un qui travaille avec les acteurs souvent sans savoir exactement où cela s’arrête. Même si tu travailles dans une transparence totale, sur un plateau, tu n’es plus dans le même temps et le même espace. Par exemple, à la fin des séances, je fais ce qui s’appelle des “notes de travail”; chaque comédien va sur scène, tout seul, face aux autres et il raconte comment s’est passée la journée de travail, c’est lui qui parle avec ce qu’il a, avec son corps.
Le dos de dieu – Romeo Castellucci / Entretien
Révélation du dernier Festival d’Automne, la Societas Raffaello Sanzio met en scène l’origine et la fin du monde, à travers un théâtre où les états du corps sont confrontés à la matière, corps de l’animal et machine. Leur metteur en scène, Romeo Castellucci, produit une œuvre inclassable entre mythe et plasticité infernale. art press n° 270, (juillet-août 2001)
B.M. Koltès, lettres de la beauté damnée de l’outre-monde
Yan Ciret, nonfiction.fr, 15 octobre 2009.
La reconnaissance publique que connaît Bernard-Marie Koltès n’a peut-être d’égale que sa méconnaissance profonde. Le dramaturge serait un maudit en pleine lumière, un malentendu éclatant, pour l’auteur français le plus représenté dans le monde.
Bob Wilson, Orlando, Elle seule – Entretien avec Isabelle Huppert
« On pourrait compter la vie de l’actrice en années lumière, mais le temps que son aura nous parvienne, il se peut que le celluloïd qui nous renvoyait son image se soit détruit, que la photographie où en habit de lumière elle nous regardait au-delà de nous-mêmes, pourrisse sous l’acidité de la colle qui nous avait permis de fixer son image. En ce printemps 93, dans l’Odéon désert, juste avant d’entrer en scène, l’actrice parla d’Isabelle Huppert, d’Orlando, de sa solitude, et de son metteur en scène Bob Wilson. On comprit très vite que l’autre nom de la torture (amoureuse) se devait être : La Question. » Yan Ciret
Les transfigurations de Bernard-Marie Koltès
Une pièce éblouissante comme Procès ivre, adaptée en 1971 de l’hypothèse christique dostoïevskienne, contient en elle tout ce que Koltès va développer par la suite. Et à un tel degré qu’on peut la voir comme le double noir, maléfique, de Roberto Zucco, l’ultime pièce qu’il acheva peu de temps avant sa mort, du sida, en avril 1989 à l’hôpital Laënnec.
Erzuli Dahomey de J. R. Lemoine : Domaines hantés des noires princesses de sang
Un mystère profond, comme un cœur poignardé, saigné en signe de croix, d’une Mater Dolorosa vaudou, circule dans la pièce Erzuli Dahomey. Quel est ce secret ? Il est exposé, mais n’est jamais dit. L’inceste de droit divin des rois et des reines ? La gémellité des enfants Frantz et Sissi telle une vengeance sacrée contre leur mère Victoire ? La douleur nègre des siècles d’esclavage ? Les rapports de classe que le désir emporte et déchire dans la violence des races ? Tout ce que le ciel permet aurait dit Douglas Sirk, avec ses films d’artifices en technicolor, ses mélodrames d’amour, de passion, de larmes, et de rédemption.
Territoires de Koltes
Exposition de Yan Ciret. Constituée de douze toiles imprimées de 3 mètres carré chacune, ces douze panneaux représentent l’univers littéraire, théâtrale, mythologique et réel de Bernard-Marie Koltès.
Sarah Kane, dernier blasphème de l’Occident
« Le suicide est une catégorie de l’Espérance. » Jacques Lacan.
Devant une pièce telle que 4.48 Psychose, de Sarah Kane, quelque chose claque, comme une évidence, une manière lumineuse d’être en présence d’un chef d’œuvre. On se demande alors, pourquoi tant d’évitements, de refuges, de dénégations, d’appropriations fausses ou vampiriques. La langue est-elle maniée, dans sa profondeur la plus haute, avec une intensité telle, que personne ne pourrait s’y attaquer sans s’y brûler, s’aveugler sur son sens ? Certains y voit, opportunément, une pièce testamentaire, signée par le suicide de son auteur, d’autres refluent vers l’indicible, les zones obscures de l’invisible, la métaphysique de théâtre. Combien de manières, de ne pas lire, de ne pas voir, de ne pas entendre, et au final tant de façons de ne pas vouloir savoir.