Par Yan Ciret, auteur du catalogue de l’exposition : Georges Noël, La magie du signe
Galerie Dukto / Île Saint-Louis – Paris, 4 novembre 2021– 29 janvier 2022
Texte cartel introductif installée dans l’exposition :
Territoires et cosmos de Georges Noël
La forme des œuvres ouvre sur des espaces inédits jamais vus, on peut en déplier la carte du monde, c’est ce que fait Georges Noël, dégager des géographies, des lignages. Mettre l’univers à notre disposition. Un travail de géologue, d’anthropologue, d’artiste total. L’exposition dispose des gestes, des manières et des matières, des liants qui s’entrelacent, sur de longues périodes. Le moment “américain”, la découverte des grands territoires, mais découpés dans “The San Andreas Fault” en 1989, les plaques tectoniques entre la Californie et l’Amérique du Nord. La faille des rapports de force entre le Sud et le Nord. Mais par la colère des dieux : “Big Space”. Endroit dangereux où un séisme peut faire basculer l’histoire. Les géographes prévoient la catastrophe, dans l’idyllique Californie. En même temps, c’est l’espace en expansion permanente, vue par les observateurs des phénomènes célestes.
C’est l’entrelacement, le pliage (comme pour Hantaï) qui referme les temps sur eux-mêmes. Magnifique travail sur le réel, avec “La pierre de rêve”, le gemme chinois du Yunnan, que l’on prélève des montagnes sacrées. Ce qui pourrait apparaître, comme volontaire, se laisse créer, comme venu de la nature elle-même. Georges Noël laisse arriver la discordance des sens, “Le nœud Gordien” de 1992, est-il le signe mathématique de l’infini, le 8, renversé ou l’ouverture sur l’Orient tranché et dénoué par Alexandre le Grand et par là un symbole cosmique ? Georges Noël oblique entre le mystère et l’énigme.
Plus énigmatique encore “L’ange blanc” qui est l’ange blanc cyrillique posé sur la tombe du Christ ou le rosier arbuste ? Le peintre trouve une mécanique, des alliages, qui viennent de sa formation industrielle d’ingénieur, mais reprise par un automatisme. Sa technique de la trame est un mystère pour “La bataille d’Hastings” cette toile qui n’est que la référence à la conquête de l’Angleterre, se termine par le sacre de Guillaume le Conquérant, le jour de Noël, à Westminster. Coïncidence ? Les palimpsestes superposent et découvrent des écritures antiques, mais sans révéler leurs secrets. Où est-ce le rêve de la tapisserie de Bayeux, qui reprend le fait d’arme et qui renverrait à la trame qu’utilise Georges Noël.
Probablement, il faut reprendre l’œuvre geste, par geste, “L’accumulation”, “le palimpseste », “la carte cosmique”, “la jungle” amazonienne, et son inverse “le jardin à l’anglaise”. C’est “Le Patchwork” qui resserre ces formes, ces écritures, ces gestes, une technique historique du sashiko japonais de l’ère Edo, mais aussi une façon d’assemblage, l’appliqué inversé, qui renvoie au palimpseste, le monde antérieur réapparaissant dans le présent, les découpages de toiles Navajos, Hopis, des tribus indiennes.
Le tapis berbère zébré de lignes droites et de courbes longilignes, que Georges Noël rapporta du Sahara. Le filage serré ocre donnant une nouvelle œuvre à venir. Chaque toile apportant un nouveau continent, un nouveau pays, sur la carte de notre monde.
Yan Ciret
© Catalogue de l’exposition : Georges Noël, La magie du signe, Galerie Dukto, Texte Yan Ciret « Les Hauts plateaux de Georges Noël », photos Leatitia Jardin, Galerie Dominik Mueller, Chacal
À voir aussi
Présentation par l’historienne de l’art, Margit Rowell, de l’exposition présentée à la Galerie Dukto, et des principales caractéristiques de la carrière de Georges Noël (1924-2010) et de sa variété stylistique.
À lire aussi
Georges Noël à la Galerie Dutko, Philippe Dagen, Le Monde, 4 décembre 2021
https://www.lemonde.fr/culture/article/2021/12/04/selection-galerie-georges-noel-a-la-galerie-dutko_6104720_3246.html