Pier Paolo Pasolini Volet 3 “Dernières prophéties – cannibalisme, esclavage et capitalisme”

Documentaire/création sonore de Yan Ciret
Réalisation : Angélique Tibau

 

Par un hasard d’une mythologie noire, de ce que Pasolini nommait «l’homologation », c’est-à-dire la mutation anthropologique de l’humanité en esclave de la marchandise, en novembre 2008, son assassin Pino Pelosi répond à une interview devant le mémorial d’Ostie, élevé sur les lieux du crime. Il est devenu le nettoyeur et l’éboueur de cette zone, engagé par une agence de manutention. Comme dans le roman « Pétrole » une néo-humanité appelée au dressage a pris la place du « peuple » sanctifié par le cinéaste. Toni Negri, qui a passé de longues années en prison, à la suite des périodes terroristes de l’Italie, ne doute pas que les témoignages des sbires de Pelosi qu’il a recueillis, pendant son incarcération, ne mènent qu’à un criminel délit de fait-divers.

D’autres, comme l’écrivain Zingaïna, peintre et ami de Pasolini dessine une fin préméditée, recherchée par le poète, dont la mise en scène annoncée se retrouve dans de multiples traces directes, ésotériques ou alchimiques, disséminées dans l’œuvre, ainsi que des paroles échangées avec Pasolini lui-même.

Après un ultime appel aux beautés révolutionnaires du tiers-monde, dans ses films de « La trilogie de la vie », il « abjure » cette croyance en un monde innocent et populaire, où le sexe serait l’arme de subversion par excellence. Il engage une période où l’infernal domine, avec des paraboles gnostiques qui font du nouveau capitalisme l’antéchrist, le monde faux de la cruauté et de l’abject de «Salo». Ce film limite, glacé dans l’abstraction et l’horreur, n’est que la métaphore du Mal que porte en elle la culture de masse qui vient, le fascisme contemporain. Œuvre théologique qui replace Pasolini dans le débat avec les intellectuels italiens, souvent hostiles comme Franco Fortini, qui pourtant écrira : « (…) Pasolini assassiné, je me sens chargé de son œuvre ; et je suis hanté par l’image de son assassin, qui est vivant, et par cette question : que sera-t-il demain, et nous encore vivants, avec lui ? »

Le procès paraît interdit, dans les deux sens possibles, empêché par une société qui ne veut pas savoir, et un point aveugle comme le regard de la Méduse qui paralyse celui qui lui fait face. Mais n’est-ce pas le destin de toutes prophéties de nous laisser interdit, après son passage ? Les présages, la fin et l’origine sont dans l’œuvre, encore à déchiffrer, « notre dernier prophète » dit de lui Bertolucci, tandis que le cinéaste Glauber Rocha écrivit : « Un ou plusieurs mâles ont tué Pier Paolo. Il est mort comme Che Guevara dans un maquis de guérilla contre les forces irrationnelles du machisme, comme Janis Joplin en hurlant que la liberté, c’est de n’avoir rien à perdre, comme Jimi Hendrix en déstructurant le son du système, comme les garrottés espagnols ou comme les victimes des dictateurs de Babylone, du Vietnam, d’Angola, et de Rome sous la lune noire du fascisme renaissant. »

 

 

Avec Anne Wiazemski, Toni Negri, Jean Duflot, Hervé Joubert-Laurencin, Bertrand Levergeois, René de Ceccatty, René Scherer, Jean-Paul Manganaro.

Avec les voix de Pier Paolo Pasolini, Laurent Terzieff, Alberto Moravia, Sergio Citti, Leonardo Sciascia, Bernardo Bertolucci, Walter Siti, Sergueï Paradjanov, Pierre Clémenti, Franco Citti, Ninetto Davoli, Pino Pelosi.

Lectures et doublages par Nicole Dogué, Damien Manivel, Jean-René Lemoine.

« Porno Teo Kolossal » scénario posthume de P.P. Pasolini – lecture Jeanne Moreau.
Traduction Hervé Joubert-Laurencin.

Remerciements Liza Narboni et le Festival Premiers Plans d’Angers.

Soundtracks « Ostia (The death of Pasolini) » par Coil, « You Have Killed me » par Morrissey, « Les mauvais garçons sur le champ » par Pasolini/Anna Prucnal, « Histoire(s) du cinéma » par Jean-Luc Godard, « Sayat Nova » par Sergueï Paradjanov, « La Société du Spectacle » par Guy Debord, Conakry, Le Caire, Nairobi, Istanbul, New Delhi, Rome, et l’aria final de Manon Lescaut par Maria Callas.

Traductions Hélène Frappat, Giovanna Gasparini.

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