Le Don de Gabriel – Hanif Kureishi

L’accueil plus que réservé, fait au livre d’Hanif Kureishi Le don de Gabriel, ressemble à s’y méprendre au malentendu du Furies de Salman Rushdie. Non pas qu’il faille toujours comparer les deux auteurs, cela a déjà été (en vain) beaucoup le cas, par facilité communautaro-littéraire, mais parce que dans les deux œuvres on a cru voir un repli sur l’intimité. « Grâce », notamment, à l’explicite d’Intimité, livre de Kureishi adapté au cinéma par Patrice Chéreau.

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Techniquement, c’est l’usage du monologue intérieur ou du point du vue subjectif (au sens de caméra subjective), qui a aggravé le cas de ces interiorisations des fracas du monde. On aura une impression similaire, avec Le Don de Gabriel : l’auteur du Black Album, quitte un peu plus la sphère directement politique de ses débuts. Même le traitement, le registre d’écriture, a changé. Il se rapproche de la vie privé (auto-fiction transposée) de l’auteur, plaçant le désenchantement dans une position de prisme en demie-teinte. Une sorte de clair-obscur, où la décomposition des amours, et la recomposition des familles de la génération d’après 68, deviennent les « motifs » sur lesquels Kureishi détrame quelque chose d’encore plus flou, de plus impalpable.

 

La question de la transmission (parents/enfants) comme seconde chance dans la vie. Ce sera le personnage adolescent de Gabriel, qui vient tel l’ange de l’annonciation, en position inversée, non plus pour annoncer une naissance, mais une nouvelle vie à ses parents défaits, dérivant loin de leurs rêves de réussite. Peut-on avoir une seconde chance, question que posait déjà Fitzgerald dans La fêlure, pour y répondre d’un non crépusculaire. Cette-fois ci, dans ce Don de Gabriel, l’enfant n’accompli son destin (devenir cinéaste) qu’en étant le médiateur d’une réunification (mariage) des parents. C’est là que l’on a pu voir ce livre comme familialiste, décrivant une classe sociale de bourgeoisie bohème, s’en faisant même le chantre d’un certain style de vie, entre mode, rock, soif de gloire et précarité cocaïnée.

 

Mais en rester là, serait ne pas voir que l’initiation du père par le fils, le premier se consacrant à l’enseignement, donc au passage du témoin, vise l’une des impasses majeures de l’époque : que peuvent les pères qui ont refusé de l’être ? C’est de l’infantilisme de la société, de l’irresponsabilité adulte, dont parle Kureishi. Et s’il n’est pas le seul à en parler, il est l’un des rares à entrevoir une voie non démagogique, peut-être la seule possible : que les fils deviennent des pères pour leurs propres pères.

Yan Ciret
 
 

 


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Le don de Gabriel

Hanif Kureishi

Editions Christian Bourgois

 

 

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